S’associer avec un inconnu

Il y a deux lecteurs cette semaine qui m’ont contacté pour me parler d’une éventuelle association avec une autre personne. Pas la même personne pour les deux cas, bien sûr, deux personnes différentes. Mais bon, vous comprenez.

Le point commun étant qu’ils sont en présence d’un inconnu, c’est-à-dire quelqu’un qu’ils ne connaissaient pas quelque jours avant. Donc, pas un ami ou une connaissance. D’où leur interrogation sur le sujet.

Faut-il faire confiance? S’embarquer? Quels sont les risques? Les avantages?

C’est difficile pour moi de juger alors que je ne connais pas les types en question. Par contre, je peux raconter une de mes expériences.

Il y a quelques années, un type que je venais tout juste de rencontrer dans un 5 à 7, appelons-le Jim, m’offre de me rencontrer avec un autre type que je ne connais pas, appelons-le Bob, pour discuter d’un projet.

Jim que je ne connais pas vraiment et Bob que je ne connais pas du tout. Jim est un beau parleur qui sait mettre en confiance alors pourquoi pas. Je n’ai rien à perdre à écouter à part un peu de temps.

Bob a une Porshe, une grosse montre avec des cadrans dont il ignore la fonction et un beau veston. Ça impressionne sûrement les pitounes dans un bar, moi je suis plutôt accroché par un millionnaire en t-shirt / gougounnes. Mais bon, chacun ses goûts.

Les introductions et le small talk passés, Bob se met à parler du projet. Un site Web avec telle patente et telle patente. Rien d’extraordinaire, mais quand c’est bien ficelé, ça tient debout.

Bob a tout ce qu’il faut pour lancer un site Web et vendre de la pub aux bonnes personnes. Moi, j’ai tout ce qu’il faut pour réaliser le dit site Web.

Parle-parle, jase-jase, Bob en vient qu’à m’offrir 25% de la shop. C’est un deal mon pote, ça va rapporter une tonne de fric, « J’te l’dis »!

Ha ben oui mon Bob, si tu le dis, c’est que ça doit être vrai.

Alors Bob, si tu permets, laisse-moi résumer les choses :

Toi Bob, tu t’occupes de la promo et de vendre la pub pour faire entrer le fric. En d’autres mots, tu pèses sur un piton pour balancer ta pub partout dans ton réseau et tu insères le nouveau site dans ton offre déjà existante. Tu as 50% de la shop. Mouin, ok, ça se défend, mais continuons.

Moi, je me tape tout le sale boulot de construire la patente. Et dieu sait qu’un site de contenu ça ne se fait pas en un après midi. Le site peut-être, le contenu, s’il est moindrement de qualité surtout, on en reparlera. Et pour ça, j’ai 25%.

Et toi Jim, à part payer le café ce matin, tu fais quoi là-dedans? Je veux dire, une fois que tu m’auras convaincu que c’est le deal du siècle, tu sers à quoi? 25% pour convaincre un gars un peu naïf sur les bords de tout faire le boulot? Wow, ça m’impressionne. Je n’ai visiblement pas choisi le bon rôle en business.

Mais bon, messieurs, je vais passer un tour. Pas que vous ne soyez gentils ou que le projet ne soit intéressant, simplement que je me sens comme le chevreuil qui doute du beau gros panier de pommes avec un ruban rose en plein milieu de la forêt en saison de chasse. Mais c’est juste une impression hein?

Quelques jours après, Jim me revient et me fait une déclaration, qualifions-la d’amour pour les besoins de la compréhension :

« Je me mets les trippes sur la table blablabla je veux un partner comme toi blablabla je vois quel genre de business tu veux faire* blablabla on va avoir du fun ensemble blablabla long terme blablabla together we will conquer the world blablabla »

*Ça, ça veut dire que je ne suis pas comme Bob, c’est-à-dire quelqu’un à qui on peut faire réellement confiance sans contrat de 300 pages qui nous trahira pas à la première occasion pour 20$. En effet, ça vient standard chez moi. Même pas besoin de me forcer.

J’ai accepté. J’ai effectivement eu du fun avec Jim et on a eu de belles aventures qui seront dignes de mention dans ma future autobiographie. Cependant, les belles paroles disparaissent aussi vite qu’un pet dans un ouragan quand ça devient une question de bidous.

La morale de l’histoire, c’est que ça reste une question de feeling. Jim et Bob ensemble, c’était seulement pour m’arnaquer. Un vol en plein jour avec un nez de clown. Jim tout seul, j’ai senti une attitude différente alors j’ai embarqué dans le bateau.

Regrets? Non. Ça valu la peine? Oui. Et les belles paroles? Full of shit. Voyons le bon côté des choses, c’est souvent ce qui fait vendre alors j’admets en avoir profité!

Mon conseil serait donc d’y aller au feeling. Dans le doute, abstient toi. C’est la meilleure règle. Sinon, vas-y, fonce et tu verras. Fais juste garder à l’esprit que c’est une relation d’affaires. Point.

Fais confiance, mais ne soit pas naïf. Ça vaut mieux que d’être un type méfiant qui doute de tout le monde. T’as déjà essayé de te faire un ami en doutant de lui?

Bref, bonne chance avec ton associé. Et si tu veux en jaser plus longuement, je suis toujours dispo pour un lunch!