Ce n’est plus le grand amour avec ton associé? Avant de faire des bêtises qui pourraient te faire tout perdre, prend 2 minutes et lit cette aventure qui m’est arrivé voilà pas trop longtemps.
En affaires comme dans un mariage heureux et épanoui, mieux vaut faire preuve d’ouverture, négocier et trouver un terrain d’entente mutuellement bénéfique plutôt que d’y aller avec des positions tranchées et fermées. Mais des fois, ça ne marche juste pas.
La relation avec mon ancien associé s’était mise à battre de l’aile depuis un moment. Pas sur la même longueur d’ondes. Friction. Distance. Ça arrive même dans les meilleures familles.
Ça fait parti de la game.
P’tit détail: comme je suis actionnaire majoritaire, j’ai un plus grand pouvoir sur certaines décisions alors disons que c’est moi le capitaine du bateau. Pas que je veuille être un enfoiré de dictateur, mais je n’apprécie pas quand on veut s’assoir sur moi pendant que j’essaie de conduire l’auto.
Il m’annonce donc son désir de quitter et me propose de le racheter, ce qui fait du sens. C’est souvent la meilleure façon de se quitter en bons termes.
Les négociations n’ont pas duré trop longtemps. Mon offre avec beaucoup de chiffres n’avait justement pas assez de chiffres pour le contenter. Sans entrer dans les détails, je lui ai offert de me racheter à la valorisation qu’il demandait puisqu’il croyait que c’était la juste valeur.
S’il avait dit oui, je serais aujourd’hui à la retraite en me tapant sur les cuisses pour ce coup d’argent surréaliste. Mais non, il n’a pas voulu. Stivident. C’est drôle exiger un prix astronomique sauf quand ça nous revient dans face.
Alors étant à des kilomètres de s’entendre on a laissé faire cette option pour régler le différend.
À mon avis, il a refusé mes offres trop rapidement sans vraiment y réfléchir. Ce n’est pas tous les jours qu’on voit des montants comme ça… Rappelle toi ma devise mon pote: Take the money and run!
Alors donc, comme on ne s’entendait plus je devais faire un changement, réorganiser l’équipe pour m’assurer que la compagnie continue de bien fonctionner.
Évidement, la réorganisation proposée n’a pas fait le bonheur de mon collègue. Mais puisqu’on n’avait pas la même vision et qu’il était en charge d’implanter ladite vision, je n’avais pas beaucoup d’options. Je lui proposais une place où nos talents étaient exploités sans nous taper sur les nerfs mutuellement.
C’est alors qu’à ma grande surprise le gars s’enferme dans son bunker, prêt pour une guerre de tranchées. No way qu’il allait bouger de là de son plein gré.
Pour illustrer le ridicule de la chose, c’est comme quand mon gamin s’enferme dans sa chambre et me joue la game de la grève de la faim. Il est tout simplement 100% convaincu que ça va fonctionner et que je vais lui acheter son jouet hors de prix.
Alors malgré mes appels à négocier et régler ça à l’amiable le type reste ferme et inébranlable.
C’est non. Niet. No. Nein.
Puis surprise, il démissionne!
Il se pousse. Il quitte tout bonnement comme ça. Ciao bye.
Quoi? Attend un peu là mon pote, kossé tu fais là? Fais pas ça! Sinon tu serais alors considéré en retrait des affaires selon notre convention d’actionnaires. C’est dangereux ce p’tit jeu là.
Pour info, dans toutes les conventions d’actionnaires que j’ai vu dans ma vie, la clause de retrait des affaires prévoit qu’on sera racheté pour des pinottes si on quitte le navire volontairement sans motif valable. Et une démission à cause d’un malentendu n’est pas un motif valable.
Cette clause est pour nous forcer à négocier et s’entendre.
Tu ne veux donc pas aller dans cette direction. C’est trop risqué. Beaucoup à perdre, très peu à gagner.
Mais non, il me reproche d’avoir manigancé pour qu’il quitte ce qui constituerait, à son avis, un congédiement déguisé. Pire, il me reproche de faire de l’oppression d’actionnaire minoritaire!
Wo là mon pote, quel champignon t’a fumé pour inventer de telles énormités? T’es vraiment plus cinglé que je ne l’aurais imaginé. C’est du délire absolument insensé!
Qu’est-ce que le congédiement déguisé? C’est quand un employeur change significativement les conditions de travail et ce, unilatéralement. Par exemple, tu es directeur général à 100K$ et je te mute à un poste de balayeur à 25K$, comme ça, sans raison ni avertissement. Si tu refuses et que tu démissionnes alors tu pourras plaider le congédiement déguisé. Le changement est tel que les tribunaux diront que mon objectif était de te pourrir la vie pour te forcer à démissionner, donc c’est un congédiement déguisé.
La couille dans la soupe ici, c’est que ma proposition de réorganisation n’a jamais été mise en place et ce, à sa demande. Et en aucun temps je ne lui ai enfoncé une décision de force dans la gorge.
Et qu’est-ce que l’oppression d’un actionnaire minoritaire? Disons que nous sommes actionnaires 70-30. On s’engueule, on ne s’entend plus, je vide le compte de banque en me versant un bonus injustifié d’un million de dollars juste pour te faire pogner les nerfs. Tu pourrais dire que je fais de l’oppression d’un actionnaire minoritaire.
En gros, un actionnaire majoritaire doit agir dans l’intérêt de tous les actionnaires. Autrement, ça pourrait être vu comme de l’oppression d’actionnaire minoritaire.
La couille dans la soupe ici est que cette accusation est une fabulation grandiose.
Et encore. N’oublie pas que ce n’est pas toi qui décide qui a raison et qui a tort. Ça sera un arbitre ou un juge dans un processus légal.
Mais bon. Voilà. Malgré deux avis écrits, par courriel et courrier recommandé, pour qu’il revienne sur sa décision de démissionner, il ne revient pas et me force à enclencher les processus de médiation et d’arbitrage prévus à la convention d’actionnaires.
T’es sérieux là? On va s’en aller dans une guerre d’avocats qui va coûter une beurrée plutôt que de négocier un règlement à l’amiable?
Et tout ça pour quoi? Pour profiter de la valeur créée sans y contribuer? Pire, il demandait au tribunal que je perdre le contrôle de ma propre compagnie un peu comme si elle était sous tutelle. Il ne demandait pas d’argent comme tel, juste que je travaille à le rendre riche, mais sans que je puisse décider seul où va la compagnie.
Par ailleurs, ce point était aussi réaliste que je vole en battant des bras. Dans toute l’histoire du droit canadien, rares sont les fois où les tribunaux sont intervenus dans l’administration d’une société. Ça prend un événement extrêmement plus grave qu’une banale chicane d’associés.
Puis, si tu gagnes c’est au mieux un long shot sans garantie de rendement. Mais si tu perds, tu perds tout. Tu auras un tout petit chèque minuscule qui sera tout flambé en impôts et en frais légaux.
Et encore, si tu gagnes puis que je décide de me consacrer à d’autres projets plus amusants et laisser aller celui-ci? T’es pas plus avancé.
Est-ce que ça vaut le risque? Je ne crois pas. Mais lui oui.
M’enfin. Comme il décide d’aller dans cette avenue, je n’ai pas trop le choix. Donc, au départ, j’estime mes chances de gagner à 80%. J’imagine que lui estimait les siennes à 100%.
Il était convaincu car il avait tout lu sur Google.
C’est bon de douter, ça oblige à être prudent. Contrairement à la surdose de confiance qui peut rendre trop arrogant.
Perso, comme mes compétences en la matière sont limitées, j’étais conseillé par un avocat depuis le début. Lui me bluff qu’il l’est, mais soit c’est faux, soit il ne l’écoute pas. Aucun avocat ne conseillerait une position aussi radicale et risquée comme démissionner.
En fait, tout bon avocat essaierait d’aller chercher le plus d’argent possible et te dirait de sacrer ton camp.
Take the money and run!
Les 8 prochains mois seront des avocasseries et des procédures légales stressantes et coûteuses. À chaque mois j’essayais de rouvrir le canal de communication pour négocier. Je ne pouvais pas croire qu’on allait aller devant le juge pour ça.
Mais non. Toujours aucune ouverture.
Tellement qu’il ne m’a fait aucune offre concrète à part exiger une valorisation hautement ridicule. Il allait gagner et rester actionnaire sans participer. Point.
En cours de route, lui et son avocat laissent tomber la portion sur l’oppression de l’actionnaire minoritaire. C’était tout simplement ridiculement faux et non fondé.
Ne reste que le congédiement déguisé à prouver. Mais déjà, c’est plutôt mou son histoire.
Malheureusement pour lui, mon avocat l’avait passé au hachoir en interrogatoire et lui avait fait dire tout ce qu’il ne doit pas dire pour que sa procédure en congédiement déguisé aie un mince espoir de convaincre le juge.
En toute franchise, en sortant de la salle j’ai dis à mon avocat que j’étais gêné de le voir se ridiculiser ainsi. Je voulais un règlement à l’amiable et rapide, pas le saigner et l’humilier! Mais bon, son entêtement ne me laissait pas le choix d’y aller avec les gros canons.
Bien que sa défaite était presque une formalité, il ne voulait pas, de un, le réaliser malgré ce que son avocat disait, et de deux, il ne voulait toujours pas négocier, mes offres étant toutes rejetées sans faire de contre-offres.
Le gars était juste incroyablement borné. Même un cap de roue aurait été plus raisonnable. Il n’avait ni témoin ni preuve ni crédibilité pour soutenir sa version. Seul son témoignage incohérent. Alors que moi j’avais des preuves solides, des témoins crédibles et un dossier en béton armé. Mais peu importe, il ne voulait pas lâcher le morceau.
Jusqu’à ce que son avocat et lui s’engueulent. Son avocat en avait plein le derrière et voulait se retirer de ce dossier gênant et sans espoir.
C’est alors que l’impossible s’est produit: Le 23 décembre, juste avant Noël, mon avocat m’appellait pour me dire qu’il voulait finalement régler.
Et voilà, dans l’après midi tout était réglé. On avait réglé pour environ 13% de l’offre la plus haute que j’ai faite. Moins son impôt à payer, moins ses frais légaux, il doit lui rester de quoi s’acheter un sac de chips au vinaigre.
Vois ça autrement, comment te sentirais-tu si ton fond de pension perdait 87% d’un coup?
Pour ma part, même si j’ai gagné, j’ai investi plusieurs centaines d’heures dans le dossier pour me préparer. Du temps qui n’a pas été mis à faire avancer ma compagnie. Et c’est sans compter le stress que ça amène sur moi et ma famille.
Leçons à retenir:
- Si tu n’as pas de convention d’actionnaires, arrête tout et fais-en une maintenant. Ça sauve beaucoup de tracas dans un conflit.
- Avant de faire des niaiseries sur un coup de tête, consulte un avocat et écoute le. Il n’est pas émotif comme toi.
- Google est bon pour te donner une piste d’information, mais Google n’est pas un avocat spécialisé.
- Ultimement, si tu te crois victime d’un congédiement déguisé ou d’oppression d’actionnaire minoritaire, prépare toi sans ménagement, monte un dossier béton et crédible. T’as beau être archi-convaincu, ce n’est pas toi qui décide, mais le juge.
- Si tu ne te prépares pas ou si tu prends la cause à la légère en étant trop confiant, ton adversaire va se préparer et il va te sacrer toute qu’une volée.
- Et le plus important, les chicanes légales c’est à éviter à tout prix. Le pire des règlements à l’amiable vaut mieux que le meilleur des jugements. Négocie, négocie, négocie et négocie encore.
- Et finalement: Si on te présente un chèque intéressant, rappelle toi: TAKE THE MONEY AND RUN!