Quiconque ayant vécu la folie Internet de 1999-2000 vous le dira : Ce n’est plus aussi facile qu’avant lancer un projet Internet. Quiconque fait de l’Internet depuis 1994 sera encore plus pessimiste quant aux futurs projets de garage ou de sous-sol.
Rappelez-vous à l’époque, un jeune crack de l’informatique de 20 ans pouvait lancer son entreprise sur le web à partir de la maison de ses parents et être millionnaire en moins de quelques mois. Combien en ont justement profité? Et c’est tant mieux!
Mais avec du recul, nous pouvons voir que ce n’est plus aussi facile qu’avant. D’une part, des consolidations de grosses firmes Internet possèdent maintenant une gigantesque part du trafic Internet. De plus, ils ont les moyens financiers pour écraser la moindre concurrence qui se présente. D’autre part, il y a tellement d’entrepreneurs web que les produits sont dilués et il est très difficile de ressortir du troupeau.
Qui n’a pas eu de la difficulté à lancer un projet à partir de 0 ces derniers mois? À part quelques exceptions, la majorité des projets frappent le mur de l’indifférence. Il est si difficile de se faire connaître aujourd’hui. Par expérience personnelle, je vis moi-même ce problème.
Prenons mes premiers sites lancés en 1997. Ironiquement, je visais le marché anglophone américain. C’est-à-dire que je référençais et faisais tout mon marketing en fonction du marché anglophone. Et le résultat a été que mes sites sont devenus un succès sur le marché francophone européen! Sans presque aucun effort, mes sites ont connus une véritable explosion avec 190 000 membres inscrits en moins d’un an. À l’époque, il n’y avait pas ou peu de compétition.
En 2001, je lance un autre projet. Ouf, le succès attendu n’est pas au rendez-vous comme dans les belles années! La compétition étant très forte, je n’attire que 45 000 utilisateurs inscrits en 3 ans. Le trafic étant quand même bien, mais jamais autant que les 10 millions de pages vues que je récoltais précédemment.
En 2006, je lance Nuouz. L’époque des succès instantanés est pratiquement terminée, je dois l’admettre! Le site connaît un départ modeste, mais bon malgré tout considérant la maturité du monde Internet.
Tout de même, avec ces trois exemples, on s’aperçoit facilement que la tâche est de plus en plus difficile. Il n’y a rien d’impossible bien évidement et je crois que le web nous offre encore beaucoup d’opportunités d’affaires. Par contre, ce sera tout aussi long et ardu que dans une entreprise traditionnelle où le succès se mesure après des années plutôt que des semaines.
Je regrette même un peu d’avoir vendu mon dernier projet. L’ayant gardé, j’aurais eu une importante base d’utilisateurs pour lancer mes prochains projets. Maintenant, je dois reconstruire de rien et ça risque d’être long. Heureusement, j’aime les défis et ça me motive!
Mais la prochaine fois, je ne vendrai pas, à moins que ça soit vraiment intéressant. Par exemple, vous avez 30 000 utilisateurs actifs et vous vendez votre site 15 000$. Vous lancez un nouveau projet. Combien cela vous coûtera-t-il pour avoir 30 000 utilisateurs? Assurément plus de 15 000$. Faites la différence vous verrez que vous avez perdu dans cette transaction.
Alors est-ce la fin pour les startups nées dans les garages ou dans des sous-sol ténébreux? Pas encore, mais presque!
Les projets web s’en viennent de plus en plus complexes. Plus de programmation, plus de technologies, etc. Ce sont maintenant des équipes multidisciplinaires qui peuvent réaliser d’excellents projets. Par exemple, il y a une différence entre créer un répertoire de site web comme Yahoo! en 1992 et un outil en ligne comme Writely. Donc plus ça va aller, plus la complexité des projets sera élevée et ceci demandera beaucoup de temps pour une seule et unique personne.
Je compare toujours ça à l’industrie automobile ou des ordinateurs. Chaque nouvelle industrie à sa période de naissance, ensuite de croissance pour atteindre la maturité. Essayez de vous lancer dans la construction automobile ou de PC aujourd’hui. Vous m’en direz des nouvelles. Pourtant à l’époque, des gens ont lancés des entreprises dans ces domaines à partir de leur sous-sol ou de leur garage.
Comme je ne suis pas un pessimiste, mais plutôt un optimiste de nature, je crois que tout est encore possible à condition d’y mettre des efforts et de l’ingéniosité. Pensons à Dell qui a révolutionné la vente des ordinateurs et qui est milliardaire.
Il est temps de penser à des stratégies à long terme. Nous devons maintenant penser à bâtir sur plusieurs années et non sur quelques semaines. En construisant un peu ici et là, ça donnera de bonnes fondations d’ici 5 ans. Il y a encore beaucoup à créer sur le web. Il y a un gros gâteau en jeu et il est encore possible d’en arracher un morceau. Mais ceux qui espèrent en prendre une bouchée feraient mieux d’avoir une vision et une stratégie en conséquence.