La multiplication des pains (ou comment un entrepreneur peut se multiplier)

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« J’m’en occupe »

C’est probablement la pire phrase à dire pour un entrepreneur. Enfin, ceux qui, comme moi, on cette fâcheuse attitude « on est jamais si bien servi que par soi-même ».

Disons tout d’abord qu’il y a deux types d’entrepreneurs qui réussissent :

# Ceux qui délèguent
# Ceux qui font tout eux-mêmes

À mon avis, les premiers arrivent plus souvent que les seconds à construire de grandes entreprises. Bien évidemment parce qu’ils laissent les tâches à 10$/h à quelqu’un d’autres pour se concentrer sur les tâches de plus haut niveau, stratégiques particulièrement, disons à 10 000$/h.

Chez DashThis nous sommes en train de réorganiser le travail pour me sortir de l’opérationnel. Il y a 4 personnes pour faire la job que je faisais tout seul. Et même là, je dois m’attacher pour éviter que je m’occupe de certains dossiers.

J’ai trop souvent cette impression que si je m’en occupe ça serait mieux. En fait, ça le serait probablement. Mais à trop tout vouloir faire seul, on néglige l’important qui est de conduire le bateau, pas de visser des boulons.

Le service à la clientèle est le bout où j’ai le plus de difficultés à laisser aller et SURTOUT, à ne pas faire de micro-managing, i.e. laisser la chance à l’équipe de s’en occuper sans que je leur respire dans le cou.

Ce n’est pas évident. Depuis le début je traite les clients aux p’tits oignons. Je répondais aux clients autant à 5h du matin qu’à minuit le soir. Rapidité, efficacité, problèmes réglés en moins de 2, questions pré-ventes répondues en 1h max.

Soirs, week-ends, à Noël, à la fête du travail ou à mon mariage, aucune excuse : Faut s’occuper des clients.

D’autant plus qu’avec un marché planétaire, c’est 24/7.

C’est de même que les premiers clients nous ont fait confiance. Parce que je suis crissement dédié au succès du projet.

Les gens dans les grosses boîtes ne comprennent pas ça. Ils ne sont jamais battus pour un client. Ils n’ont jamais eu faim. Ils ne sont jamais demandés s’ils allaient avoir une paye à la fin du mois.

Alors le client peut bien attendre une journée ou deux avant d’avoir sa réponse.

Pas chez nous!

L’excellence du service, principalement de mon service, est la raison pourquoi nous sommes en croissance et que les clients restent avec nous.

En revenant de voyage cet automne j’ai fait la coupure: 99% de mes emails sont maintenant redirigés vers Chris, notre Head of Customer Happiness qui s’occupe de tout sans que je ne lève le petit doigt.

Et que dire de la programmation? Ce n’est pas normal d’avoir les mains dans le code à déboguer ou à développer un nouveau kossin.

« Ça va juste prendre 5 minutes si je le fais! »

Combien de fois je me suis dis ça et que ça a viré en journées passées à programmer.

Pendant ce temps-là, je ne m’occupe pas du plus important, de la vision à long terme et de la stratégie.

De toute façon, mon équipe ne veut plus que je code. Ça leur cause trop de problèmes!

Je suis nul comme développeur, ce n’est pas nouveau. C’est moi qui a inventé les coins ronds!

Quand on est collé sur l’arbre, on ne voit plus la forêt.

Dans un monde en pain d’épices j’aurais multiplié Steph une douzaine de fois. Dans la réalité, il faut déléguer, encadrer, diriger et faire confiance.

Pas évident quand on est habitué de tout régler soi-même.

Donc mon plus gros défi comme entrepreneur n’est pas de faire du fric, ce que je fais bien et plutôt facilement, c’est de bâtir une équipe qui réalisera ma vision.

Tout ça sans m’impliquer dans les opérations, sans être un dictateur et sans être un micro-manager. La stratégie, plutôt étrange, est de ne plus rien faire. Mais plutôt faire faire.

Bref, c’est ironique: Je suis le problème et la solution.

ps.: Pour ceux qui ne comprennent pas la référence à la multiplication des pains, le pote Jésus a fait un miracle en prenant 2 pains pour nourrir 5000 personnes v’là quelques temps.