Il y a de ces billets que j’écris pour moi, simplement pour me faire une tête sur un sujet. Ç’en est un. Si tu ne veux pas m’écouter réfléchir, clique ici.
J’ai récemment lu le livre Customer Success: How Innovative Companies Are Reducing Churn and Growing Recurring Revenue. C’est un putain de bon livre pour tout proprio de boîte SaaS. Comme moi tsé!
Pourquoi le succès client?
Écoute, c’est bien simple: Pas de succès client, pas de succès pour toi non plus.
Fût une époque où une firme de logiciels faisait 90% des revenus avec son client (nous dirons lifetime value) au moment de signer le contrat et de lui laisser le CD d’installation. On vendait une licence perpétuelle d’utilisation. Il pouvait y avoir une portion installation et maintenance prévue au contrat, mais pour le vendeur, la “job” était faite.
Aujourd’hui, avec le modèle SaaS (Software-as-a-Service), ça a changé. Les licences ne sont plus achetées, elle sont louées sur une base régulière, mensuelle ou annuelle par exemple.
Donc, au lieu de faire 90% de tes revenus avec ce client dès le premier mois, si ton client reste 20 mois avec toi alors tu n’auras que 5% le premier mois. C’est un problème. Ou un défi. C’est selon.
Du coup, tu ne peux plus te permettre de le prendre pour acquis et de le négliger. En fait, tu dois travailler pour conserver ton client chaque mois.
Le client n’est plus prisonnier d’un vendeur, il a maintenant le choix et la liberté. Et il ne se gêne pas pour se pousser s’il n’est pas satisfait.
Et s’il se pousse, non seulement tu perds, mais ton compétiteur gagne alors tu es doublement perdant.
On appelle ça le churn.
C’est quoi ça le churn?
Le churn, c’est un client qui décide de ne plus être client. Si tu pensais recevoir 10 000$ de lui sur 20 mois (500$/mois), mais qu’il cancelle son abonnement après 2 mois alors tu as perdu 9000$.
Pire, si tu as 2 clients et que tu vises une croissance de 50% alors tu devrais acquérir 1 client, right?
Mais non, si tu perds un client, alors tu devras maintenant en acquérir 2!
C’est là que le taux d’abandon ou churn rate vient fesser un entrepreneur qui n’avait pas vu ça de même.
Si tu perds 5% de clients à chaque mois, ça veut dire que tu devras renouveler environ la moitié de tes clients sur une base annuelle! C’est énorme.
Vu autrement, passer d’un churn de 5% à 2%, ça veut dire que tu vas conserver proche de 30% plus de revenus sur une base annuelle. Si tu fais 10M$ de revenus, 30% c’est quoi? Oui mon pote, c’est 3M$. C’est un beau moton de fric!
Même si les ventes vont bien, remplir à profusion un sceau percé te fait travailler inutilement.
Donc mon chum, si tu penses que les ventes sont importantes, c’est rien à comparer la rétention. Fait des calculs avec un churn à 1% vs 8% et tu verras que c’est mucho pesos.
Mucho pesos qui t’ont coûté cher à acquérir et que tu laisses aller sans t’en soucier?
Penses-y, si tu fais 8M$ de revenus et que tu vises 2M$ de croissance l’année prochaine, ton gars des ventes est responsable de 2M$ de revenus alors que ton gars à la rétention (si tu en as un!) est responsable de 4 fois plus! Qui devrait être ton meilleur ami, celui que tu traites aux p’tits oignons?
En gros, rétention des clients > nouvelles ventes.
Rentre toi ça dans tête mon pote: Retenir un client est plus important que d’ajouter des features.
Dans une business récurrente il n’y a plus de service après vente. Chaque interaction avec ton client est une activité pré-vente.
La notion de succès client vient gérer tout ça.
Le succès client c’est quand ton client atteint le but désiré a travers les différentes interactions avec notre compagnie. Ça inclut le quoi (le but) et le comment (l’expérience). Toute l’aventure d’un client du tout premier contact avec notre compagnie jusqu’au dernier fait partie du succès client.
Le succès client n’est pas le bonheur client. Un client peut être heureux avec nous, mais si son but n’est pas atteint alors ce n’est pas un succès.
Le succès client n’est PAS le service client. Ce n’est pas une nouvelle façon cool de nommer le service client.
C’est quoi la différence entre service client et succès client?
Le service client:
- Est un coût nécessaire comme le développement ou l’administration;
- Est réactif, on réagit à un client qui nous contacte;
- Est orienté efficacité, on veut un support qui optimise le temps accordé aux clients;
- Est coûteux en ressources humaines, difficilement scalable;
- Le but est de réagir le mieux possible;
Le succès client:
- Est un centre de profits, sa mission est de conserver les revenus chèrement acquis!
- Est proactif, on veut prévenir et adresser les problèmes bien avant que ça se rende au service client;
- Est orienté vers le succès, on veut que le client réalise son but et ait la meilleure expérience, et ce constamment;
- Est un poste très analytique où il faut être capable d’analyser, d’identifier et de boucher les trous d’où le pognon sort;
- Le but est de prédire le mieux possible. Mieux on prédit, mieux on gère nos revenus et nos profits!
Pour donner un exemple, le service client dira “merci d’avoir fait affaire avec nous” quand un client demandera de fermer son compte. Le succès client va se pencher sur les causes de la terminaison et mettra les moyens en place pour éviter que ça se reproduise.
Le succès client c’est aussi de bien identifier le client idéal. On peut vendre à plein de monde, mais s’il n’est pas le client idéal alors ça va générer un tas de problème, de frustration et d’insatisfaction autant du côté client que du service. Puis les chances sont bonnes pour qu’il finisse par quitter de toute façon alors c’est investir des ressources précieuses dans un succès peu probable.
Est-ce que ces ressources seraient mieux d’être mises à la disposition de nos meilleurs clients, ceux qui sont profitables et nous aident à grandir?
Le succès client est très data-driven, on ne se fie pas sur un feeling ou sur une anecdote. On analyse, on segmente, on fouille dans les données pour trouver ce qui est rentable, ce qui ne l’est pas et surtout d’où on perd de l’argent, pourquoi et quelles sont les solutions.
Par ailleurs, d’un point de vue strictement business, un taux de churn trop élevé affectera négativement la valorisation. Un acheteur potentiel sait qu’un churn élevé nuira à la croissance donc à son rendement.
Tsé, ton placement au lieu de générer 10-12% de croissance, il génère plutôt 5-7%. Les ventes sont les mêmes. Dans un cas, on retient les revenus récurrents. Dans l’autre on les laisse filer.
Et comment on mesure le succès client? Avec le service client, on surveillera le temps de réponse, le nombre d’interactions par représentant, des trucs du genre. Pour le succès client, on surveillera plutôt sa santé:
- Son onboarding s’est fait rapidement avec un succès significatif;
- Il contacte le support, mais pas trop;
- Il est plus enclin à référer ton produit (NPS ou Net Promoter Score);
- Il utilise l’ensemble de ce que leur licence lui permet;
- Il adopte l’outil et le propage dans son organisation;
- Il upgrade, achètent des produits ou services complémentaires;
Par rapport à ce dernier point, un client qui est un “succès” sera plus enclin à passer au plan supérieur ainsi qu’à acheter des services complémentaires. Autrement dit, tu fais plus de revenus et de profits qui te coûtent de moins en moins cher avec un client qui a du succès!
Bref, la morale de l’histoire c’est qu’il faut mettre en place des mesures proactives pour mesurer la santé des clients. Mieux on comprend nos clients, mieux on comprends leurs besoins, mieux on comprend comment et pourquoi ils utilisent notre produit, meilleures sont les chances qu’ils restent avec nous un, deux, quatre, 10, 20 mois de plus avec nous.
C’est ça le succès client.
* Lecture complémentaire: Customer Success: The Definitive Guide