Ça arrive souvent que j’ai des questions sur la façon dont j’ai évalué l’entreprise pour faire un rachat d’actionnaire. Je me suis dit que ça ferait un beau sujet de blogue, alors voilà!
C’est bien amusant une transaction, mais encore faut-il être capable de financer tout ça. Et comme dans le rayon des boîtes de céréales à l’épicerie, il y a plein de choix et de façons de faire.
En fait, détail important, on avait du choix car on est en excellente santé financière tout en étant bien profitable. Ceux en moins bonne posture n’ont pas les mêmes options.
Pourquoi? Parce que ça ouvre les portes des prêteurs conventionnels. Une banque bien ordinaire quoi. Comme pour emprunter pour acheter une auto ou une maison.
Autrement, les options tombent dans la cour du capital de risque. BDC Capital, Investissement Québec, les différents fonds privés, etc. Et quand il y a le mot “risque” tu peux t’attendre à une facture plus salée. Genre eau de mer salée.
Emprunter à 8-12%? Es-tu fou? Quand t’as pas le choix, t’as pas le choix. Mais ça ne rend pas le sapin qui passe plus agréable. 🎄
Pire, dans le cas des fonds privés, c’est un peu comme les offres “Achetez maintenant, payez dans 36 mois”. En bout de ligne, il y a toujours une “catch” qui va coûter cher. Rappelle-toi: There ain’t no such thing as a free lunch.
Aussi, pourquoi financer le rachat plutôt que d’y aller par étape avec un solde de prix de vente? Pour couper les ponts définitivement. Dans un divorce houleux, tu veux sortir ton ex du portrait au plus cr***.
Donc initialement j’ai été voir du côté du capital de risque. Parce que je suis un newbie et je me suis dit que c’était la voie à prendre. Je connais relativement bien les organisations comme la BDC alors ça me paraissait naturel.
Comme je maitrisais bien mon dossier et mes finances, on a été accepté plutôt facilement. Sans grande surprise car je savais bien que ma demande n’était pas exagérée. Le taux d’intérêt était pas pire élevé, mais la souplesse venait compenser. Bref, on s’enlignait bien pour signer tel quel.
Jusqu’à ce que mon comptable me jase:
- Pourquoi tu n’essaies pas avec ta banque?
- Ben voyons, un prêteur conventionnel ne fera jamais un tel financement!
- Si tu demandes pas, tu ne sauras pas…
- Bon ok, on va essayer pour voir.
Ha ben cibole toé chose, ils veulent!
Non seulement ils veulent, mais les conditions sont pas pire pantoute! C’est des milliers de dollars d’économies en intérêts et frais de dossiers. Mon comptable a beau coûter cher, je suis gagnant big time avec des conseils de même. S’entourer de gens compétents: 👌
Alors donc, tout ça pour dire que c’est intéressant de considérer la valorisation d’une entreprise, mais du point de vue de la banque. J’ai expliqué récemment comment valoriser une entreprise et comment les valos peuvent être folles des fois.
Mais la banque, elle s’en fout de tout ça. La seule chose qui l’intéresse c’est si tu es capable de payer et les garanties. Le risque, très peu pour elle. Autrement dit, est-ce que tu achètes une maison démesurée ou selon tes moyens?
On va se le dire, dans une shop SaaS, c’est zéro garantie ou presque. On a pas d’actifs comme une usine ou de la machinerie. C’est du vent. Si on ne paie pas, la banque se repaie avec quoi? Quelques ordinateurs et une table de conférence? Ouin, non. ⛔
Et bien sûr il était hors de question que je mette ma maison personnelle en garantie sur une telle transaction. Alors quand on regarde ça, la banque assume une bonne partie du risque en cas de défaut.
En gros, on a passé au crédit principalement à cause de deux choses:
- La qualité des entrepreneurs qui font la demande, l’histoire racontée, pourquoi on fait ça, où on s’en va avec nos skis;
- La qualité de l’entreprise (super équipe, sans dette, toujours profitable, en croissance, solide, bien gérée depuis 10 ans);
Ça reste venteux car le passé ne garantit pas l’avenir. Mais bon, comme il n’y a rien de plus frileux qu’une banque, si ça s’est bien passé c’est que ça doit valoir une bonne valeur à leurs yeux.
Mais outre tout ça, le point important pour la banque était “Comment tu as valorisé l’entreprise? Comment en es-tu arrivé à ce chiffre?”
Piece of cake à répondre quand on est très bien préparé.
En gros je leur ai dit deux choses principalement:
- Que dans un divorce, on a l’occasion de racheter la maison à un prix moindre.
- Que c’est le maximum que je suis à l’aise de payer sans bousiller notre santé financière, nous mettre inutilement à risque ou de mettre des freins à notre croissance. Budget à l’appui.
Pour le premier point, avec les comparables du marché, les discussions avec des courtiers, des financiers et d’autres acteurs, il est clair que du moment que le divorce est réglé, la valeur marchande ira en augmentant puisque tout le focus reviendra sur la compagnie. Un conflit est un facteur minant sérieusement la valorisation. Comme une grosse scratch rouillée sur un beau char que tu essaies de vendre à plein prix. 🤔
Pour le deuxième point, c’est budget 101. Ce n’est pas parce que je “pourrais” m’acheter une maison à 1M$ que ça fait du sens de le faire. J’aime mieux une maison modeste avec une hypothèque de 1000$ par mois qu’une grosse maison qui coûte 3000$, mais d’être pogné à la gorge. Avec les paiements relativement petits, on conserve notre santé financière et une excellente marge de manœuvre. C’est un point super important pour la banque. 👍
Anyway, en bout de ligne, peu importe ce que tu dis à la banque, ça ne changera pas qu’ils vont faire eux-mêmes leurs devoirs. Ils ne prêteront pas plus qu’ils pensent qu’on peut payer. Ils ont des ratios et toutes sortes de mécanismes financiers pour valider le tout. Résultat: Ils n’auraient pas prêté une cenne de plus de toute façon.
En résumé, ma valorisation et celle d’une banque frileuse étaient alignées.
Évidemment, si un jour je remplace mon chapeau d’acheteur pour celui de vendeur, mon discours sera totalement différent… Comme on dit en business, buy low, sell high! 💰💰📈
Par ailleurs, côté délai, on a réussi à clancher ça en environ 6 semaines si on exclut le congé des fêtes. C’est quand même du sport réaliser une telle transaction en un si court laps de temps. Nos avocats, les avocats de la banque, les banquiers, leurs patrons, les dudes qui décident du crédit à Toronto, les comptables, les fiscalistes… Ça fait des flûtes à aligner pour que ça fonctionne. Pas surprenant qu’on pop le champagne quand c’est fait. Pour célébrer autant la réussite du projet que la fin d’une relation qui a duré 3 années de trop… 🍾🥂🎉
Je me suis aussi développé un intérêt pour les finances… budget, planification, prévisions, gérer des créanciers, gérer des partenaires. On a jamais eu de budget avant, on part de loin hein? Ça change du javascript et du marketing disons. Pis je me trouve pas pire pantoute!
Bref, ç’a été toute qu’une expérience. Mais aucun regret. Même si c’est stressant et angoissant, c’était la bonne décision à prendre. Ce n’est pas ma première transaction et certainement pas ma dernière, mais c’est une aventure rock’n roll à chaque fois! 😎