Valeur d’une entreprise… P’tits trucs pour évaluer si ta boîte vaut un magot ou un gros zéro

Rare sont les entrepreneurs qui ne se sont pas déjà posé la question au moins une fois: Combien vaut mon entreprise?

Ça arrive que du monde s’en foute (ici et , I’m a big fan tsé). Mais généralement on finit toujours par se poser la question.

Pourquoi?

Parce qu’on est pas con. Si on démarre une entreprise souvent pour des raisons autres que l’argent, on a tous des comptes à payer, une famille à faire vivre. Une entreprise c’est le fond de pension de l’entrepreneur alors même si on fait ça pour le fun et la liberté, l’enjeu final reste sérieux.

Tôt ou tard l’aventure va finir et l’entrepreneur devra soit vendre, soit fermer faute de relève ou d’intérêt.

Perso, depuis que je suis en affaires il m’est arrivé quelques fois de me faire approcher par des inconnus qui ont de l’intérêt. Des fois ça marche, d’autres non.

En fait, que ça cogne à la porte est un bon indicateur de santé et du potentiel de valorisation. Mes projets “poches” ne font pas sonner le téléphone. Les bons, oui.

Alors donc, combien vaut une entreprise?

Comme je ne savais pas trop, j’ai dû faire mes devoirs.

Et même si tu ne veux pas vendre, c’est bon de se poser la question. Tu pourrais vouloir associer un employé, engager un nouveau dirigeant, racheter / vendre un co-actionnaire ou bien chercher de l’investissement en échange d’équité.

Donc, ça vaut combien?

La réponse courte, et probablement la meilleure: Ça vaut ce que quelqu’un est prêt à payer.

Puis une transaction survient quand le prix que quelqu’un est prêt à payer rejoint le prix que tu es prêt à vendre.

Ok, mais c’est pas concret tout ça…

Indeed. Alors voici, à mon humble avis, quelques indicateurs pour donner une idée de la valorisation:

Le type de multiple utilisé dans l’industrie

La règle du pouce dit qu’une entreprise vaut 3 à 5 fois les profits. Ça peut être 1 comme ça peut être 7 aussi, mais 3 à 5 fois les profits est un bon indicateur “générique”.

Donc tu fais 10M$ de revenus, 1M$ de profits alors tu vaudrais 3 à 5M$.

Par contre, dans le monde techno entre autres, les acheteurs utilisent des fois des multiples des revenus. Pas la ligne du bas, mais bien la ligne du haut. La règle du pouce sera 3 à 5 fois les revenus récurrents annuels. On voit du 7 et même du 10.

Donc tu fais 10M$ de revenus, tu vaudrais 30 à 50M$.

La croissance

Et quel multiple on utilise? 3 ou bien 7? Une partie de la réponse se trouve dans la croissance.

Plus tu es en croissance, plus ça gonfle le portefeuille. A l’inverse, la décroissance, c’est fatal. A part des repreneurs qui vont t’acheter pour des pinottes, personne ne voudra de ton entreprise.

Et si tu es sur un plateau? Un plateau, ce n’est pas sexy pour un acheteur. Tu stagnes. Tu boirais de l’eau stagnante toi?

La croissance démontre la demande pour ton offre, ta capacité de récolter de la valeur (revenus et profits) et ta capacité de scaler (faire 10M$ est plus compliqué que 1M$ et 1M$ est plus compliqué que 100K$). Les amateurs sont vite demasqués dans ce petit jeu.

Le type d’entreprise: service ou produit?

Une boîte de service généralement vaut… rien. A moins d’avoir du solide comme des contrats à long terme, des revenus prévisibles, des bons profits, des immeubles, du matériel, une clientèle fidèle, etc.

Le pire c’est quand toute la valeur réside dans le fondateur (i.e. s’il crève, la shop ferme). C’est zéro. Pas de fondateur, pas de valo.

Un produit standardisé sera mieux vu s’il est exportable ou adaptable à d’autres segments de marché. Les marges augmentent avec le volume contrairement au service. Le top c’est un produit qui génère des revenus récurrents.

Le type d’acheteur: Un repreneur financier ou un acquéreur stratégique?

Un repreneur financier n’a qu’un but: T’acheter le moins cher possible, te réorganiser, te mettre beau et te revendre avec profits dans 3 à 5 ans. C’est le type d’acheteur le plus fréquent. Donc moins payant, mais plus de chance de réussite.

Un acquéreur stratégique pour sa part ne t’achète pas nécessairement pour te revendre, mais parce que tu lui donnes un avantage dans son modèle d’affaires. Plus rare, mais plus payant si tu as quelque chose qu’il veut vraiment (Brevet? Équipe? Clients? Connaissance d’un marché X? Fit naturel?).

Le churn (taux de roulement des clients)

Le churn est un vrai salopard. Disons que tu fais 2M$ de revenus, mais avec un churn annuel de 50%. Si tu veux passer à 3M$ de revenus alors tu devras non seulement vendre 1M$ de plus pour la croissance, mais 1M$ supplémentaire seulement pour combler les clients perdus!

Donc pour passer de 2 à 3M$ il faut vendre pour 2M$.

Et de 3 à 4M$ il faut vendre pour 2.5M$.

Reality check mon pote.

Le marché

Tu es le premier sur un terrain vierge et immense ou bien tu es le 6883e sur un terrain déjà occupé par des géants?

Avoir Google ou Microsoft dans ton marché est une bitch. Ça prouve que le marché est bon. Mais tu joues sur leur terrain alors ils peuvent te détruire sans même s’en rendre compte.

Un bon signe est quand tu peux augmenter les prix sans perdre de client.

L’équipe

La qualité de l’équipe est un gros plus. Surtout en période de rareté de main d’oeuvre.

Le management

Un acheteur ne voudra probablement pas gérer la poutine quotidienne. La qualité du management en place, ainsi que les incitatifs pour les retenir, feront une bonne différence.

Si le management pense se sauver avec une tonne de fric le lendemain de la signature, désolé mon pote, une vente vient avec des contrats de travail bien garnis. Le temps de faire une transition du moins. De 6 à 24 mois, des fois plus.

Le potentiel

Tes affaires vont bien et tu fais du fric? Bravo! Mais pour passer au niveau supérieur, ça prend quoi? Peux-tu continuer comme présentement ou bien tu devras investir considérablement?

Si un acheteur doit investir significativement pour ta croissance alors tu perds du lustre.

En gros, est-ce crédible et réaliste de penser pouvoir doubler ou tripler tes revenus avec un minimum d’investissement?

Parallèle avec le domaine du dating, quand j’ai lancé mon site en 1998, on a connu le succès avec 0$ en marketing. Aujourd’hui, ça doit coûter des millions pour avoir des résultats similaires.

Avoir prouvé être scalable

Les 3 ingrédients secrets d’une grande valorisation sont: Répétable, prévisible et profitable.

Répétable, tu as un processus que tu peux répéter, i.e. si ça marche avec 2 vendeurs alors ça va marcher aussi bien avec 20 vendeurs.

Prévisible, si tu mets 1$, ça rapporte 2$. Si tu mets 1M$, ça rapporte 2M$.

Profitable, pour chaque 1$ que tu mets dans la machine, 0.20$ vont dans tes poches.

La règle du 40% et le T2D3

Deux métriques qui retiennent l’intérêt, la règle du 40% et le T2D3. Ceux qui ont une ou l’autre de ces métriques au vert sont en bonne position pour valoir une montagne de fric.

Le 40% est un indicateur de santé qui est la somme de la croissance et profits. Si tu as 30% de croissance et 10% de profits, tu seras très bien vu. Tout comme comme 50% de croissance et 10% de perte ou 10% de croissance, mais 30% de profits.

Pas 10%.

Pas 20%.

Pas 30%.

40%.

Ou plus!

Le T2D3 veut dire “Triple, Triple, Double, Double, Double”. C’est à dire, tripler la croissance les 2 premières années et doubler les 3 années ensuite.

Si tu pars à 1M$ de revenus post product / market fit alors tu seras à 72M$ dans 5 ans (1M$ x3 x3 x2 x2 x2 = 72). BOOM!

Le timing

C’est con, mais si tu ne veux pas vendre ça vaut plus cher (pour toi) que si tu cherches désespérément à vendre.

Pour prendre l’analogie de la maison, si quelqu’un cogne à ma porte et m’offre la valeur du marché je n’ai aucun intérêt à vendre. Mais s’il m’offre le double ou le triple? C’est différent. Money talks comme on dit.

Même chose si tu as un événement négatif dans ta vie comme un cancer, un divorce ou une chicane d’associés, tu seras plus enclin à vendre moins cher, mais plus rapidement.

La compétition

Tu es unique ou un acheteur a le choix entre plusieurs cibles? Si tu es interchangeable avec la compétition, pourquoi l’acheteur paierait plus cher pour ta shop? Si tu n’es pas unique, la différence se jouera sur le prix final, au bénéfice de l’acheteur, pas du vendeur. Et tu ne veux pas ça.

Vendre son entreprise ça reste… une vente! Et comme dans toute vente, si tu veux charger la totale il faudra que tu sois clairement un meilleur choix que les alternatives.

*Don’t be greedy

Rappelle toi qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. Encaisser 5M$ maintenant ou 7M$ dans 2 ans, mais avec 50% de chances que ça vaille 3M$, tu fais quoi?

Par ailleurs, dis toi que tu es un terrible juge de la valeur. Le vendeur a une tendance à surévaluer son entreprise. Demande un avis à ton comptable ou fiscaliste. Il aura un regard plus objectif.

Engager un courtier (investment banker) est aussi une excellente idée. Si quelqu’un veut t’acheter à un prix X, peut-être qu’il y en a un autre qui serait prêt à payer 2X? C’est sa job de trouver le meilleur deal possible.

Le bon à savoir

Un processus de vente peut prendre de 6 à 12 mois. Arme toi de patience et de pilules anti-stress! Tu auras ton moment d’excitation (Yé je vais être millionnaire!), mais tu devras passer par le purgatoire d’où tu n’es pas certain de sortir vivant.

Attends toi que ça chie big time plusieurs fois et ça sera encore plus intense les jours précédant la signature. Si tu te rends là! Si tu as des associés ça sera encore pire. Aligner tout le monde quand il est question d’argent, c’est loin d’être un pic-nic.

Mais bon, rappelle-toi que si c’était facile, tout le monde le ferait.