Au risque de paraître étrange, un de mes objectifs de 2015 est de ne plus engager. Nous sommes 10, principalement des spécialistes seniors, et c’est suffisant pour rouler une boîte comme DashThis.
Engager ne rime pas avec croissance. Tu peux avoir 100 employés et ne faire aucun profit. En décidant de garder une équipe petite, ça oblige à se concentrer sur l’important et surtout, sur ce qui est payant.
Pour donner un exemple concret, disons qu’un prospect nous demande telle feature et est prêt à payer pour. Nous pourrions engager pour le satisfaire, avoir un client de plus et empocher une couple de bidous au passage.
Erreur mon Bob.
Si c’était vrai et souhaité en mode survie, ce ne l’est plus en mode croissance. Notre mission dans le monde SaaS n’est pas de plaire à quiconque démontre un intérêt, mais de faire un produit le plus standard possible pour combler tous ceux qui ont un besoin bien précis.
Comme on aime dire, on vend une canne de tomates.
Une canne de tomates, c’est standardisé à fond. Aucune personnalisation possible. La recette sera peut-être améliorée avec le temps, mais la canne de tomates restera une canne de tomates. Point.
On va travailler sur la distribution de la canne de tomates. Et on va en vendre une tonne.
Mais la croissance pour la croissance, ce n’est pas ma tasse de thé.
Nous avons investi beaucoup depuis le début. Maintenant c’est le temps de récolter. Ça veut dire des dividendes pour les actionnaires et des meilleures conditions pour les employés.
Pour moi, qui a bossé énormément, pour ne pas dire trop, depuis 2011, ça veut dire de prendre ça plus molo. Déléguer, me décoller de l’arbre pour voir la forêt et penser à mes futurs projets.
Ça veut dire revenir à mon objectif de base qui est de ne plus travailler.
En effet : Je travaille fort pour ne plus travailler.
Lundi il y avait une neige poudreuse incroyablement belle avec la température parfaite pour un skieur. Je n’ai pas pu aller en ski vu que j’avais trop de choses à faire. Quel honte de ne pas en avoir profité! Ce sont des occasions que je compte ne plus rater.
Engager encore va à l’encontre de cette vision. Le but n’est pas de faire le prochain Microsoft, mais d’être indépendant financièrement, être libre de faire ce que je veux quand je veux.
C’est définitivement possible de grandir à 20, 30 ou même 50 employés. De faire 5, 10, 20 M$ de chiffres d’affaires.
Oui, on peut.
Mais à quoi bon?
On peut résumer ça avec une histoire qui vient du livre de Tim Ferris, The 4-Hour Workweek :
« Un homme d’affaires américain a pris des vacances dans un petit village du Mexique. Incapable de dormir après avoir reçu un appel urgent du bureau, il est sorti prendre une marche sur le bord de la mer pour se changer les idées. Un pêcheur venait d’accoster à bord de son petit bateau. Il avait pris plusieurs poissons de belle taille. L’Américain s’est montré impressionné par la qualité des prises du Mexicain.
– Combien de temps vous a-t-il fallu pour les prendre? a demandé l’Américain.
– Pas trop long, a répondu le pêcheur dans un anglais plutôt étonnant.
– Pourquoi ne restez-vous pas plus longtemps en mer pour en prendre davantage? a poursuivi l’homme d’affaires.
– J’en ai assez pour subvenir aux besoins de ma famille et pour en vendre à des amis, a répondu le pêcheur en vidant ses poissons.
– Mais… Qu’allez-vous faire du reste de la journée?Le Mexicain l’a regardé, puis il a souri.
– Je dors tard, pêche un petit peu, joue avec mes enfants, fait la siesta avec ma femme, Julia, et je me rend au village le soir pour boire un peu de vin et jouer de la guitare avec des amis. J’ai une vie très remplie, Amigo.
L’Américain a ri et il s’est relevé.
– Monsieur, je suis un MBA diplômé de Harvard. Je peux vous aider. Vous devriez consacrer plus de temps à pêcher. Avec les profits, vous pourriez acheter un plus gros bateau. En un rien de temps, vous commanderiez un flotte de bateaux.
Il a poursuivi:
– Au lieu de vendre vos prises à un intermédiaire, vous pourriez ainsi vendre directement aux consommateurs. Vous pourriez alors vous ouvrir votre propre usine de transformation. Vous contrôleriez le produit, la transformation et la distribution. Bien sûr, vous devriez éventuellement quitter ce petit village pour vivre à Mexico, puis à Los Angeles, et ensuite à New York. De là, vous pourriez contribuer à la croissance de votre entreprise avec l’aide de dirigeants compétents.
Le pêcheur mexicain a demandé:
– Mais, senor, combien de temps cela me prendra-t-il?
– 15-20 ans. Maximum 25.
– Et puis, après, senor?L’Américain a ri encore une fois, et il a dit:
– C’est la meilleure partie. Le moment voulu, vous annoncerez un appel public à l’épargne, et vous vendrez vos actions, ce qui vous rendra très très riche. Vous ferez des millions.
– Des millions, senor? Et après?
– Après? Vous prendrez votre retraite. Vous déménagerez dans un petit village sur le bord de la mer, où vous pourrez dormir tard le matin, pêcher un petit peu, jouez avec vos enfants, faire la sieste avec votre femme, et allez au village le soir pour boire un bon vin et jouer de la guitare avec vos amis. »
Pas besoin d’en rajouter.
Est-ce que je vais arrêter de travailler? Non, bien sûr que non. J’adore travailler. J’ai trop d’idées pour arrêter de travailler.
La différence est que dans mes prochains projets, je serai impliqué uniquement dans le haut niveau, dans la vision et la stratégie. Je n’aurai pas les mains dedans comme je le fais depuis 15-20 ans. Mes projets vont continuer à créer des emplois. Aucun doute la dessus.
Bref, engager oui, mais ça ne doit pas m’empêcher de faire du ski, du vélo ou ma sieste après le dîner!