Je lisais un billet de Seth Godin « How to make a million dollars » qui expliquait la stratégie chinoise (China Strategy). Ceci consiste à faire 1$ de profit auprès d’un million de personne. Ou un cent auprès de 100 M de personnes. En théorie, c’est si simple que ça doit fonctionner. Mais en pratique, c’est beaucoup plus difficile.
Ça me rappelle l’époque où je travaillais pour Francité sur WebD. Suite au dégonflement de la bulle Internet, les revenus de pub ont chuté passant de centaines de milliers de dollars à presque rien du tout. En moins de 2, l’entreprise réorientait son modèle d’affaires : Devenir payant. La vision du directeur général? « Nous avons 1M de visiteurs uniques. Si on peut tirer 1$ de chacun de ces visiteurs alors nous ferons 1 M$! ». Ça me rappelle cette stratégie chinoise qui n’est pas réputée pour fonctionner…
C’était un défi irréalisable et nous, tous sauf la direction, le savions. Contrairement à l’histoire de M. Godin où le défi est de promouvoir son idée à 1M de personnes, notre défi était de faire sortir 1$ de la poche d’internautes habitués a tout avoir gratuitement.
Nous avions 150 000 membres sur WebD. Si on applique la règle du 1% alors 1500 devraient vouloir payer pour nos services ce qui devrait être suffisant pour payer nos salaires astronomiquement trop élevés. Du moins, ça aiderait à passer à travers la crise.
Que s’est-il passé en réalité? Moins d’une vingtaine ont accepté de devenir membres payants. Ce qui est bien sûr trop peu pour être rentable. Ceci représente 0.0001%. Alors au diable la règle du 1%!
L’erreur est en deux parties. Premièrement d’offrir un service sans réelle valeur ajoutée par rapport au service gratuit. Une des contraintes était de convertir rapidement les utilisateurs donc aucun temps n’était alloué au développement.
Deuxièmement, la majorité des utilisateurs était des individus qui entretenaient un petit site personnel. Plusieurs n’avaient même pas de carte de crédit! Peu importe la qualité de l’offre, il était hors de question de payer. Même pas un petit dollar ridicule. Ce n’était donc pas une question de prix, mais de marché cible. Il ne faut pas s’entêter à vouloir faire payer des personnes qui ne veulent pas payer.
Anecdote : Nous savions que les sites de rencontres se battent depuis des années pour faire sortir un petit 15$ par mois aux utilisateurs. Au plus 5% convertissaient malgré que nous savions pertinemment que ces célibataires n’hésitaient pas à dépenser 50$ et plus pour une soirée dans un bar. Il y a donc aussi l’aspect mentalité où il nous est plus logique de payer pour une bière bien réelle que pour un truc sur Internet.
Bref, ce changement de cap improvisé était condamné au désastre dès le départ. Ceux qui sont resté sur leur modèle gratuit et qui ont continué d’offrir un service de qualité ont eu beaucoup plus de succès par la suite. Morale de l’histoire? La stratégie chinoise ne fonctionne pas plus sur Internet qu’ailleurs.